Mesdames, Messieurs,
Après un premier appel à la vigilance en avril 2024 sur la recrudescence de la coqueluche en Europe et en France au 1er trimestre 2024, Santé publique France signale une situation épidémique sur le territoire avec une circulation très importante de la bactérie sur les premiers mois de l’année.
Au cours du 1er trimestre 2024 en France, plusieurs cas groupés de coqueluche en collectivité étaient signalés avec un nombre de clusters plus important comparé à toute l’année 2023 (aucun cas groupé signalé entre janvier et septembre 2023) annonçant un début de recrudescence de la coqueluche dans au moins 4 régions hexagonales.
En quelques semaines, ce sont sept régions (Ile-de-France, Bretagne, Pays de Loire, Auvergne Rhône-Alpes, Grand-Est, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine) qui déclaraient plus d’une vingtaine de clusters en collectivités (essentiellement des écoles maternelles et primaires, halte-garderie et maisons maternelles, collèges et lycées) ou familiaux à la fin mars 2024.
Début juin 2024, les différents indicateurs de surveillance de la coqueluche suivis par Santé publique France confirment la résurgence de la maladie sur le territoire national avec des hausses importantes observées sur les dernières semaines. Sur les 5 premiers mois de l’année 2024, les données 3-Labos recensent près de 7000 PCR positives (contre 518 pour toute l’année 2023) et les données du réseau hospitalier RENACOQ rapportent 46 cas chez des nourrissons de moins de 12 mois (contre 41 cas en 2023). Les données du réseau OSCOUR et SOS médecins montrent également une très forte hausse avec un nombre de passages aux urgences, d’hospitalisations après passage aux urgences et d’actes SOS médecin pour le regroupement syndromique « coqueluche » multiplié par 7 entre la semaine 11 et la semaine 22.
En Europe, la résurgence de la coqueluche s’observe également avec une augmentation importante du nombre de cas de coqueluche : le total provisoire des cas rapportés par l’ECDC sur les 3 premiers mois de l’année 2024 est déjà supérieur à celui de toute l’année 2023 : 32 037 cas entre le 1er janvier et le 31 mars 2024 contre 25 130 en 2023.
La coqueluche évolue par cycles de recrudescence tous les 3 à 5 ans et le dernier cycle observé en France date de 2017-2018. La bactérie a faiblement circulé, à l’instar d’autres pathogènes respiratoires, pendant la pandémie de COVID-19, et le démarrage de ce nouveau cycle épidémique nécessite une sensibilisation de la population et des professionnels de santé sur cette maladie et ses modalités de prévention.
Nous attirons donc votre attention sur cette situation, notamment en prévision de la période estivale de recrudescence saisonnière de la coqueluche et des grands rassemblements prévus cet été en lien avec les Jeux Olympiques et Paralympiques. Nous vous rappelons l’importance de vacciner votre patientèle particulièrement les femmes enceintes, chez qui la couverture vaccinale est insuffisante, ce qui peut avoir pour conséquence la transmission de la maladie aux nouveau-nés et jeunes nourrissons qui n’ont pas encore eu le temps d’être vaccinés et qui font les formes les plus graves voire mortelles de coqueluche.
La meilleure protection repose sur la vaccination. Le nombre de cas de coqueluche a très fortement diminué depuis l’introduction de la vaccination, cependant la bactérie continue à circuler car les vaccins recommandés, bien que très efficaces, induisent une protection limitée dans le temps rendant nécessaires les rappels vaccinaux. Les nourrissons trop jeunes pour être vaccinés (ceux âgés de moins de 2 mois), les nourrissons de moins de 6 mois et les adolescents et les adultes qui ont perdu la protection due au vaccin sont les populations les plus touchées.
Selon le calendrier vaccinal en vigueur:
– La protection des nouveau-nés et jeunes nourrissons repose sur la vaccination des femmes enceintes ou de l’entourage des nouveau-nés (stratégie du cocooning) selon l’avis de la Haute Autorité de santé du 7 avril 2022 qui recommande :
o La vaccination des femmes enceintes à partir du 2ème trimestre de grossesse de préférence entre 20 et 36 semaines d’aménorrhée. Cette vaccination réduit de moitié les hospitalisations et de 95% les décès liés à la coqueluche des moins de 3 mois ;
o La vaccination des personnes de l’entourage proche du nourrisson, lorsque la mère n’a pas été vaccinée pendant la grossesse, ou a été vaccinée moins d’un mois avant l’accouchement.
– La vaccination obligatoire des nourrissons comporte une primovaccination à deux injections à deux mois d’intervalle, à l’âge de 2 mois (8 semaines) et 4 mois, suivie d’un rappel à l’âge de 11 mois (vaccins combinés hexavalents). Ce schéma ne doit pas être différé.
– Un rappel est recommandé à l’âge de 6 ans avec une combinaison vaccinale tétravalente à doses entières d’anatoxines diphtériques et tétaniques et d’antigène coquelucheux (DTCaPolio : InfanrixTetra® / Tétravac-acellulaire® disponibles) puis à 11-13 ans avec une combinaison vaccinale tétravalente à doses réduites d’anatoxines diphtérique et tétanique et d’antigènes coquelucheux (dTcaPolio : Boostrixtetra® / Repevax® disponibles) ; – Chez les adultes, la vaccination de la coqueluche est recommandée par un rappel à l’âge de 25 ans (rattrapage possible jusqu’à 40 ans) et dans le cadre de la stratégie du cocooning (pour l’entourage du nourrisson au cours de ses six premiers mois de vie) ;
– Chez les professionnels de santé et de la petite enfance, les rappels à 25, 45 et 65 ans doivent désormais comporter la valence coquelucheuse (dTPca).
– La vaccination contre la coqueluche est également fortement recommandée pour :
o Les personnes travaillant en lien étroit avec des nourrissons de moins de 6 mois : personnels dans les maternités, services de néonatalogie, de pédiatrie,
o Les professionnels de la petite enfance, dont les assistants maternels,
o Les personnes effectuant régulièrement des baby-sittings.
La coqueluche n’est pas une maladie à déclaration obligatoire mais les cas sont à signaler à votre Agence régionale de santé dans deux situations spécifiques :
– en cas d’infections nosocomiales ;
– lors de cas groupés (à partir de 2 cas) qu’ils soient intrafamiliaux ou en collectivités.
La mise en œuvre des mesures vis-à-vis du cas et de son entourage a été rappelée dans l’avis du HCSP du 18 novembre 2022, en particulier pour les personnes à risque (personnes souffrant d’une maladie respiratoire chronique, immunodéprimés, les femmes enceintes) et dans des collectivités à risque :
– Mise en place de mesures barrières (lavage des mains et port du masque),
– Mise en œuvre d’un traitement antibiotique (macrolides),
– Eviction du cas pendant sa période de contagiosité (3 semaines après le début des symptômes si aucun traitement antibiotique adapté n’a été prescrit ou jusqu’au 3ème ou 5ème jour du traitement selon l’antibiotique choisi),
– Mise à jour de la vaccination de la population exposée, en utilisant bien un vaccin contenant la valence coquelucheuse (dTPca),
– Antibioprophylaxie des sujets contacts proches non protégés par la vaccination (enfants non ou incomplètement vaccinés selon l’âge, enfants dont la dernière dose date de plus de 5 ans, adultes non vaccinés ou dont la vaccination remonte à plus de 5 ans) et des contacts occasionnels à risque de forme grave et non protégés par la vaccination.
La confirmation microbiologique des cas repose sur l’isolement de la bactérie (culture) et surtout la détection de son matériel génétique par PCR à partir d’une aspiration ou d’un prélèvement nasopharyngé.
Comme pour toute épidémie d’infections respiratoires, il est important de souligner que parmi les mesures barrières efficaces, le port du masque est fortement recommandé pour les personnes symptomatiques. Pour les personnes présentant des symptômes d’une infection des voies respiratoires (rhume, maux de gorge, toux, fièvre) et ce, quelle qu’en soit la cause, le port du masque reste de rigueur en particulier en présence de personnes fragiles, dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, dans les espaces clos et dans les transports en commun. Les professionnels de santé travaillant en contact avec des populations vulnérables (nourrissons, femmes enceintes, personnes immunodéprimées ou souffrant de maladies respiratoires) sont particulièrement concernés.
La vaccination de la femme enceinte contre la coqueluche, recommandée depuis avril 2022, est à promouvoir d’urgence pour protéger les nourrissons dans les premiers mois de vie, qui font les formes les plus graves de la maladie.
Je vous remercie de la bonne prise en compte de ces informations et de votre mobilisation.
Dr Grégory EMERY
Directeur Général de la Santé
Pour plus d’informations :
– Page Actualité Coqueluche sur le site de Santé publique France ;
– Site du Centre national de référence de la coqueluche et des autres bordetelloses ;
ANNEXE
Rappel sur la coqueluche
La coqueluche est une infection bactérienne peu ou pas fébrile de l’arbre respiratoire inférieur d’évolution longue et hautement contagieuse.
Deux bactéries du genre Bordetella sont responsables des syndromes coquelucheux chez l’Homme : essentiellement Bordetella pertussis et Bordetella parapertusssis.
La transmission se fait principalement dans la famille ou en collectivités au contact d’une personne malade présentant une toux.
La contagiosité est maximale la première semaine, elle diminue avec le temps pour être considérée comme nulle après trois semaines d’évolution sans traitement antibiotique ou après 3 à 5 jours d’antibiothérapie selon l’antibiotique choisi. La période d’incubation moyenne est de 10 jours (extrêmes 7 à 21 jours) et son expression clinique est variable selon les personnes et les âges.
Le diagnostic de la coqueluche se fait donc selon plusieurs modalités :
– Le diagnostic clinique de la coqueluche est variable selon les personnes. Il existe plusieurs critères pour établir le diagnostic :
o Le déroulement de la maladie : débute pendant les 4 à 6 premiers jours par des signes discrets d’infection des voies respiratoires supérieures : rhinite, toux légère. Puis la toux persiste, et se modifie au lieu de s’améliorer comme c’est généralement le cas pour une rhinopharyngite banale. La fièvre est en général discrète ou absente ;
o Une toux persistante au-delà de 7 jours et son aggravation font évoquer le diagnostic d’autant plus qu’elle devient caractéristique (spasmodique en particulier nocturne, survenant de façon paroxystique). Classiquement quinteuse et émétisante voire asphyxiante chez le nourrisson et l’enfant, la toux de la coqueluche chez l’adulte peut ne revêtir aucune de ces caractéristiques.
– Il est à noter que les vaccins coquelucheux acellulaires ont une efficacité estimée entre 70 % chez l’adolescent et 84 % chez le nourrisson avec un déclin avec le temps. Un antécédent de vaccination, même récent, ne doit pas faire écarter la suspicion de coqueluche en cas de toux persistante.
– Epidémiologique :
o Identification d’un cas primaire dans l’entourage, à savoir une personne avec toux prolongée dans les 3 semaines avant le début des symptômes du cas à investiguer ;
o Ou identification d’un cas secondaire, à savoir début d’une toux chez une personne en contact avec le cas à investiguer dans les 3 semaines après le début des symptômes de ce dernier.
– Biologique : prélèvement pour culture et/ou PCR par aspiration ou écouvillonnage nasopharyngé selon les modalités suivantes :
o durée de la toux < 15 jours : diagnostic direct par culture et PCR en temps réel (PCR-TR) ;
o 15 jours ≤ durée de la toux < 21 jours : diagnostic direct par PCR-TR ;
o durée de la toux ≥ 21 jours : diagnostic clinique avant tout. Réaliser des PCR-TR chez les cas secondaires éventuels. La PCR est le diagnostic le plus sensible et elle est pratiquée par de nombreux laboratoires. Elle n’a plus lieu d’être pratiquée après trois semaines de toux. La PCR et la culture sont remboursées par l’Assurance maladie.